Un atelier de céramique à l’École des Beaux-Arts et Arts Appliqués de Cornouaille
Premier logo de l’École des Beaux-Arts et Arts Appliqués de Cornouaille
À l’initiative d’un groupe de Quimpérois impliqués dans la vie culturelle locale, les premiers cours de l’École des beaux-arts de Quimper débutent en novembre 1946. Au même moment, les premières cuissons d’essais commencent dans l’atelier tout neuf de la nouvelle faïencerie Keraluc. Lors de son inauguration trois mois plus tôt, Victor Lucas avait lui aussi formulé un souhait en faveur de la création à Quimper d’une École d’arts appliqués susceptible de former du personnel qualifié.
Les « profs » de l’école des beaux-arts de Quimper et de Cornouaille
De gauche à droite : Maurice Rondet (cours du soir), Dominique Villard, Jos Le Corre, Robert Villard (le directeur), Albert Hamet, Georges Conan et Jean Le Merdy
Durant l’été 1946, une ébauche pédagogique de la future école est esquissée. Le secrétaire du comité provisoire, A. Pouch, tapissier-décorateur, entouré de Jean Caveng et de M. Rodallec [1] , tous deux commerçant et artiste, et de l’artiste et industriel Abel Villard, font avancer le projet qui se concrétise le 3 novembre avec une réunion publique dans la salle des mariages de l’Hôtel de Ville sous la présidence du maire Yves Wolfarth. Robert Villard [2], responsable d’un atelier de l’École des beaux-arts de Nantes, est sollicité pour prendre la direction de la future école. Il assure, quelques jours plus tard, les premiers enseignements dans des locaux du Gymnase de la rue Jean-Jaurès. En février 1947, les cours sont donnés rue Verdelet avec deux autres professeurs, Albert Hamet, photographe et peintre, et Maurice Rondet, contremaître dans l’entreprise de peinture en bâtiment Wolfarth. Au mois de mars, son transfert définitif dans les locaux de l’ancienne école Paul-Bert, au 36 de la rue du Chapeau Rouge, lui permet de développer son enseignement avec le recrutement de nouveaux professeurs.
L’école privée est gérée en autonomie par un conseil d’administration composé d’artistes, d’industriels, d’artisans, d’ouvriers des diverses professions intéressées. Une indépendance voulue afin de définir elle-même son projet – un enseignement régional des arts appliqués aux industries d’art de la Cornouaille : fabrication et sculpture des meubles bretons, céramique, broderie, dentelle, tissage, décoration industrielle, arts plastiques – .
Deux objectifs quelque peu opposés vont coexister avant que la formation s’oriente délibérément vers une vision ouverte et universelle de l’art. À l’origine, il ne s’agissait donc pas de former des artistes, mais de permettre aux artisans cornouaillais de compléter leur formation par une culture artistique devant élever le niveau du style breton. Cette volonté de réunir l’artiste et l’artisan pour renouveler et revivifier l’art en Bretagne n’était pas nouvelle. Dès le début du XXe siècle, le militant régionaliste Maxime Maufra, membre fondateur de l’Union régionaliste bretonne, tente d’imposer la nécessité d’une formation artistique régionale. C’est l’idée d’un génie artistique original propre à la Bretagne qui est proclamée et valorisée. Ensuite le mouvement des Seiz Breur Féconder le travail de l’artisan par celui de l’artiste ambitionnait de renouveler l’art breton en alliant tradition et modernité. Cette volonté de rompre avec la bretonnerie en revivifiant l’art en Bretagne était souhaitable et nécessaire, mais un art spécifiquement breton ne peut mener qu’à l’impasse. L’ambition des responsables était avant tout de donner des directives afin d’orienter la production locale vers des œuvres de grande qualité tout en stimulant le désir de chercher des formes et des expressions nouvelles.
Deux ans après, l’école compte plus de cent cinquante élèves inscrits aux cours de peinture, de décoration, de dessin, de modelage. En plus de ces étudiants, elle reçoit un groupe important d’apprentis des faïenceries, qui ont des cours spécifiques. En 1949, Georges Connan rejoint l’équipe pédagogique pour enseigner l’étude du modèle vivant et de la perspective, il assure par la suite les cours d’histoire de l’art. Jos Le Corre est nommé professeur d’art graphique et de publicité trois après et c’est enfin au tour de Jean Le Merdy de mettre en place son cours de peinture en 1957.
À la rentrée 1951/1952, un atelier de céramique est créé au sein de l’école, Pierre Toulhoat, tout juste diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris et fort de ses premières expériences acquises dès le début de la faïencerie Keraluc, en assure le bon fonctionnement pendant 6 années tout en étant chargé du cours de modelage. Son enseignement très apprécié, amena plusieurs de ses élèves, comme René Quéré, Jean-Paul Jappé et André L’Helguen à travailler dans la manufacture de Victor Lucas.
D’autres enseignants, Georges Connan et particulièrement Jos Le Corre travaillent aussi à Keraluc auprès de Victor Lucas. Ce projet d’école, très orienté vers les arts appliqués et tout naturellement la céramique, a donné une forte authenticité à L’École des beaux-arts de Cornouaille. Peu à peu, cette adéquation entre la finalité de son enseignement et le monde de l’industrie et de l’artisanat s’est estompée au profit d’une orientation plus forte vers les arts plastiques. Une orientation souhaitée et sans doute dictée par des directives nationales, mais on constate aussi que l’abandon d’un atelier de céramique au sein de l’École des beaux-arts de Quimper, s’est accompagné d’un appauvrissement progressif et inexorable de la création dans les ateliers quimpérois de céramiques.
Emplacement de l’atelier de céramique de l’école des beaux-arts
Le 23 mars 1960, l’école est municipalisée par le nouveau conseil municipal du
grand Quimper [3] et conserve son appellation École des beaux-arts et des arts appliqués de Cornouaille.
Né à Paris le 30 août 1897 (six jours exactement après Victor Lucas), il est mobilisé à Verdun dès l’âge de 18 ans. Après la guerre, il se consacre à la peinture, rejoint le mouvement cubiste et participe au Salon des Indépendants et au salon d’Automne. Installé à Nantes, il participe à la vie culturelle avec l’association L’Étrave, créée avec sa femme, et développe une activité d’architecte d’intérieur dans son studio IDEA, notamment dans la décoration de paquebots. À partir de 1941, il est responsable d’un atelier à l’École des Beaux-Arts de Nantes avant d’accepter, quatre ans plus tard, la direction de la nouvelle école de Quimper. Il se retire en 1967 à Rochefort-En-Terre et décède 10 ans plus tard à Vannes.
Robert Villard
Directeur de l’École des beaux-arts et des arts appliqués de Cornouaille, de 1946 à 1968.
– « À travers les départements meurtries, Le Finistère », 1948, L’École des Beaux-Arts et Arts appliqués de Cornouaille, page 292.
– Revue « Arts ménagers » n°75, mars 1956.
– Villard Robert, « L’Encyclopédie des Céramiques de Quimper », tome V, page 442, novembre 2007.
– Bulletin d’information de l’association des amis du musée de la faïence de Quimper, n° 26, second semestre 2007, articles de Dominique Villard et de Mikaël Micheau-Vernez.
[3] La réunion des quatre communes limitrophes : Quimper, Kerfeunteun, Penhars et Erguer-Armel, est effective le 1er janvier 1960. Le nouveau conseil municipal, de gauche, désigne son maire Yves Thépot, le 13 mars. Ergue-Armel intégrant Quimper, Keraluc peut alors abandonner la mention « prés » avant « Quimper » sur la signature de ses productions.