❝L’histoire de la faïencerie KERALUC
à Quimper, 1946-1984

Les cours municipaux de dessin

Victor Lucas, véritable pédagogue, a toujours apporté une contribution significative à l’enseignement du dessin. Tout d’abord, il a commencé à donner des cours municipaux presque dès son arrivée à Quimper. Il débute avec un atelier de modelage à la rentrée 1924-25, poursuivant jusqu’à ce qu’il abandonne sa charge pour l’année 1940-41 en raison d’un différend matériel avec Charles GODEBY.
Par la suite, en tant que directeur technique chez HB depuis fin mars 1941, il met en place des cours destinés aux apprentis qu’il assure lui-même le samedi matin dans les locaux de la faïencerie.

Cours gratuits de dessin
Affiche des premiers cours gratuits de dessin
pour les ouvriers et pour les apprentis

À Quimper des cours d’éducation artistique à l’usage de la classe ouvrière seront dispensés à partir de la rentrée 1905-06 dans un bâtiment neuf construit par la ville, conçus avant tout pour la gymnastique, les conférences… Cependant, les deux plus belles salles du 1er étage du gymnase seront exclusivement affectées aux deux cours de dessin.
– Le dessin d’imitation (étude de la figure), enseigné par l’artiste peintre Abel VILLARD (1871-1969), organisé en 3 groupes : élémentaire, moyen et supérieur.
– Le dessin géométrique et industriel, enseigné par l’architecte de la ville M. PAIREAUD.

Le gymanase de Quimper
Le gymnase de Quimper avec en arrière-plan
le Théâtre et son jardin, vers 1905.

L’école reçoit fin 1906 une dotation de modèles plâtre du ministère des Beaux-Arts (les frais d’emballage et de transport restant à la charge de la municipalité). Un premier rapport daté de 1907 de l’inspecteur de dessin, M. BORCHARD, constate le bon déroulement de l’enseignement mis en place.
Par la suite une convention, passée le 5 octobre 1910 entre le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et la ville de Quimper, pérennise ces premiers cours municipaux.

Durant les premières années, de nombreux apprentis peintres et mouleurs de la faïencerie Henriot suivront le cours de dessin artistique, dont Pierre ROCUET et Yves LE BORGNE. Ils participeront tous les deux avec un modèle créé pour la première exposition d’art breton organisé au gymnase pendant l’été 1907.

Modèle de Pierre Rocuet et Yves Le Borgne
Modèle crée pour l’exposition d’art breton
organisé au gymnase, été 1907,

Au début de l’année 1912, le maire Théodore LE HARS contacte l’architecte des monuments historiques Charles CHAUSSEPIED en vue de la création éventuelle d’une école d’éducation artistique. De part sa formation initiale à l’École des Arts décoratifs, Charles CHAUSSEPIED était un adepte de l’œuvre d’art total associant l’architecture, la décoration intérieure et le mobilier tout en rénovant les traditions régionales. Ce projet d’école très ambitieux ne va pas se concrétiser et le nouveau maire de Quimper, Henri JACQUELIN n’aura guère le temps de s’y consacrer, car dès le début du conflit 14-18, il s’engage comme simple soldat et se fait tuer en Champagne en septembre 1918.

Théodore LE HARS est réélu à la mairie de Quimper en 1914, mais les cours municipaux ne seront pas réorganisé. Abel VILLARD assure les cours de dessin jusqu’en 1924, il crée ensuite la « Confiturerie Villard ». Un apprenti dessinateur de chez Henriot, Pierre JACOB, est inscrit durant l’année 1923-1924 ; il s’agit sans doute de Tal COAT (1905-1985).

L’année suivante, le nouveau conservateur du Musée des beaux-arts de Quimper, le peintre Charles GODEBY (1866-1952), prend en charge le cours de dessin. Il a décoré de deux triptyques l’escalier d’honneur de la mairie de Quimper pour honorer la mémoire des 566 Quimpérois tombés au front pendant la Première Guerre mondiale. Deux autres cours sont mis en place :
– le dessin géométrique avec M. LOUARN (ingénieur Arts-et-Métiers et architecte de la ville),
– le modelage avec Victor LUCAS, ingénieur céramiste chez Henriot.

La nouvelle équipe est inspectée en 1928 par Émile BAYARD qui déplore le manque de directeur et préconise la nomination de GODEBY à ce poste, mais relève les bons résultats obtenus par Victor LUCAS.
Malgré des conditions de travail difficile et des indemnités forfaitaires allouées qui n’évoluent pas en 13 ans (1500 francs portés à 20 000 en 1930, soit l’équivalent de +ou — 1000 €), ces ateliers sont assurés régulièrement. Par la suite, la municipalité semble déconsidérer le fonctionnement des cours et du musée des beaux-arts comme le souligne le rapport de l’inspecteur général de l’enseignement artistique, Claude ROGER-MARX en 1938 : un musée où dit-on le visiteur et les œuvres ne sont pas complètement abrités de la pluie et un enseignement artistique négligé par la ville qui n’offre que des salles polyvalentes non spécifiquement attribuées aux cours et pas toujours disponibles, des horaires insuffisants et inappropriés. L’occupation allemande, qui réquisitionne l’année suivante le gymnase, va contribuer à compliquer davantage l’organisation des cours qui sont alors donnés dans une salle annexe du Musée des beaux-arts.

Victor Lucas qui assurait avec beaucoup de dévouement ses cours depuis pratiquement son arrivée à Quimper abandonne sa charge à la suite d’un différent matériel avec Charles GODEBY. Ayant été victime d’un accident le 1er décembre 1940 (jambe droite fracturée), Victor LUCAS avait pris la décision de ne pas assurer ses cours pour l’année 1940-41. Début 1941, son état s’est amélioré et Charles GODEBY lui a demandé de reprendre ses cours début mars. Des problèmes de salle ont ensuite contraint Victor LUCAS à accueillir ses élèves à son domicile (la salle qu’il occupait l’année précédente au Musée départemental ayant été assigné à M. LAGATHU pour les cours de dessin géométrique). Le directeur GOBEDY après avoir donné verbalement son autorisation a dénoncé au maire la situation et l’affaire s’est ensuite envenimée mettant un point final à la collaboration de Victor LUCAS. Les deux anciens collègues resteront fâchés par la suite et Victor Lucas ne fera pas partie de l’équipe qui travaillera sur le projet de création de l’école des beaux-arts en 1946.

Début mai 1941, une charge plus accaparante attend Victor LUCAS puisqu’il décide de quitter Henriot pour prendre la direction technique de la « Grande Maison HB » en remplacement de Gilbert THEILLOU qui avait été licencié abusivement. Malgré ses responsabilités techniques importantes et les difficultés de l’époque sous l’occupation allemande, il met en place au sein de la manufacture des cours pour les apprentis qu’il assure tous les samedi matin.
Il retrouvera plus tard l’occasion d’exercer encore ses talents de pédagogue avec l’accueil des jeunes artistes qui fréquenteront la nouvelle faïencerie Keraluc.