LUCAS Paul
Quimper (Ergué-Armel), 1927 — Quimper, 2008
photographie en noir et blanc,
restaurée et colorisée par l’IA
Paul Lucas ne passait pas inaperçu par sa forte personnalité pleine de fougue mise au service de ses convictions. Chantre du Grès, après le décès de son père en 1958, il n’hésitait pas parfois à dénigrer la faïence, car seules les matières premières locales argileuses et feldspathiques susceptibles d’être vitrifiées trouvaient grâce à ses yeux. Artiste dans l’âme, il était très attentif à l’acte créatif et dissimulait une grande sensibilité.
Le petit Paulick, l’ainé d’une fratrie de trois frères et quatre sœurs, est né le 15 juin 1927 à Creac’h Maria. Son père Victor Lucas, marié à Rose Loudoux le 15 juillet 1926, est ingénieur céramiste, en charge depuis cinq ans de la modernisation de l’outil de travail de la Faïencerie d’art breton Jules Henriot. La villa « Liors Guen », que son père fait construire en 1929 sur un vaste terrain ayant appartenu à la famille de faïenciers Porquier, est un havre de quiétude pour la famille. Elle est située dans le haut de Loc-Maria, en Ergué-Armel, dans un environnement de campagne.
Adolescent, Pol visitait régulièrement les ateliers des faïenceries pour y rejoindre son Père. Il était très impressionné par l’ambiance particulière des halls de cuisson et des salles des machines entraînées par de longues courroies de cuir tournant autour de grandes poulies de bois. Un spectacle particulièrement captivant pour un enfant curieux et déterminé : atmosphère enfumée des lieux, chaleur des fours, odeurs particulières des argiles en fermentation, bruit agressif du moteur diesel à huile lourde assurant la force motrice des machines de la marche à pâte et de façonnage ainsi que la fourniture d’électricité. Pas de doute que sa vocation est née avec cette fréquentation régulière des manufactures de Loc-Maria en pleine activité. Par jeu, il projetait déjà des plans pour une faïencerie idéale qu’il allait bientôt voir se construire sur le terrain jouxtant la propriété de ses parents. Comme pour Pierre Toulhoat1, qui l’y avait précédé de quatre ans, toutes ses études secondaires se déroulent au Likès jusqu’au baccalauréat.
Dès le début de l’entreprise Pol reste naturellement aux côtés de son père et reçoit ainsi une formation technique pratique et concrète. Régulièrement, des confrontations engendrent des tensions dans les relations paternelles aggravées par des caractères quelque peu opposés. Mais Victor Lucas sait déléguer les responsabilités et très vite Pol a la possibilité de s’engager véritablement. Il crée de nombreuses formes dans l’atelier de moulage et prend une part active dans la responsabilité de l’atelier de fabrication et le suivi des cuissons électriques.
Au cours de trois décennies, Paul Lucas se consacre avec diligence à Keraluc, initiant au début des années 1960 une transformation vers une production entièrement dédiée au Grès, qui jouit d’une grande popularité. Les fondations du redéploiement de l’entreprise étant établies, Keraluc connaît une croissance continue jusqu’au début des années 1970. L’augmentation incessante des commandes rend indispensable un agrandissement des installations.
Malheureusement, la hausse régulière des coûts de l’énergie à partir de 1973, ainsi que celle de la main-d’œuvre, provoque une crise économique qui s’intensifie à la fin des années 1970, touchant particulièrement les manufactures (l’industrie céramique en France passe ainsi de 16 000 à 3 500 employés entre 1980 et 1983). Pour y remédier, de nombreux produits sont développés sans obtenir les succès escomptés, et Paul Lucas doit désormais consacrer presque tout son temps à la prospection de la clientèle. En vain, malgré les lourds sacrifices consentis par l’ensemble de son personnel, Keraluc dépose son bilan le 13 juillet 1984.
Bénéficiant alors d’une pré-retraite, Paul Lucas va alors abandonner la céramique pour s’engager dans la protection du patrimoine, notamment du pays Bigouden, en tant que membre de la FNASSEM. Il met à profit sa voix puissante, ses longues plaidoiries et une correspondance manuscrite abondante au service de toutes les luttes pour la préservation des paysages, la valorisation des monuments mégalithiques et la sauvegarde du petit patrimoine religieux local (restauration de la chapelle St-Vio à Treguennec, du retable de la chapelle de la Trinité à Plozévet…). Après avoir été veuf pendant plus de trois ans, l’aggravation de son état de santé a nécessité une prise en charge médicale en maison de retraite jusqu’à son décès le mardi 18 mars 2008.
