❝L’histoire de la faïencerie KERALUC
à Quimper, 1946-1984

LUCAS Victor

St-James, le 24 août 1897 — Ergué-Armel, le 28 janvier 1958

Victor Lucas est l’un des personnages les plus importants de l’histoire de la céramique quimpéroise. Venu de Normandie (comme Guillaume Dumaine, l’initiateur de la fabrique Dumaine-Tanquery-Henriot en 1791), ce jeune ingénieur céramiste formé à l’École nationale supérieure de céramique de Sèvres apporte son savoir-faire dans la modernisation de l’outil de production de l’antique manufacture Henriot. Jules Verlingue avait déjà développé sa faïencerie et l’aide de Gilbert Theilloux, qui venait de Limoges, lui faisait gagner une avance technologique précieuse dans la concurrence acharnée qui se livrent alors les deux manufactures de Loc-Maria.

Artiste de tempérament et de formation, la pratique artistique était à l’époque très développée à Sèvres, Victor Lucas se lie d’amitié avec de nombreux artistes et exprime ses talents artistiques dans de nombreuses créations pour l’édition ou sous la forme de pièces uniques. Durant la Seconde Guerre mondiale, il quitte Henriot pour prendre la direction technique chez HB.

À la libération Victor Lucas trouve enfin les conditions favorables pour mener à bien son grand projet de création d’une nouvelle faïencerie.

Biographie

Né le 24 août 1897 à Saint James (Manche), il grandit à Vire ou son père avait une petite entreprise de taille de pierre. Encouragé par son professeur de dessin, il tente avec succès le concours d’entrée de l’École de Céramique de Sèvres. Le 16 septembre 1915 débute sa première année, interrompue quatre mois plus tard par son incorporation et son départ pour le front. Blessé il est fait fait prisonnier en Allemagne d’où il réussit à s’évader. À la fin de la guerre, il reprend ses études dans une école profondément changée (jusqu’en 1921, l’École de Céramique de Sèvres, toujours sous la tutelle des Beaux-Arts, accordait une très grande place à l’enseignement artistique, orientation qu’elle devait perdre avec la réforme au profit de la partie technique). Victor Lucas bénéficie ainsi d’une formation artistique très poussée puis d’un enseignement technique de grande qualité. En juillet 1922, il obtint son diplôme d’ingénieur céramiste et se met aussitôt à la recherche d’un premier poste.
Jules Henriot qui souhaitait moderniser sa Manufacture d’Art Breton à Quimper reçoit favorablement sa demande. Le contexte économique était particulièrement favorable avec le véritable démarrage de l’essor touristique de la région. Mais ce marché de plus en plus florissant était disputé par une faïencerie concurrente, la société Jules Verlingue, Bolloré & Cie. Dans cette véritable guerre économique, appelée « la guerre des Jules », les deux manufactures se livrent une lutte incessante. Cependant cette concurrence acharnée a des aspects positifs. Tout d’abord, une compétition sur un plan technique qui permet à Victor Lucas de moderniser l’outil de production : mécanisation de la préparation de la pâte, introduction de la technique du coulage, premières calibreuses, premiers fours à moufles, etc. Ensuite un effet stimulant sur le plan artistique, l’entre-deux-guerres connait ainsi le second temps fort de la création céramique quimpéroise après les succès des productions d’Alfred Beau et des premiers décors bretons de la fin du XIXe siècle. Beaucoup d’artistes fréquentent à cette époque les deux faïenceries qui avaient chacune leurs figures marquantes : René Quillivic (1879-1969) chez HB, Mathurin Méheut (1882-1958) pour Henriot. Les grandes Expositions internationales à Paris, incitent les deux manufactures à se surpasser. Celle de 1925 les honore de nombreux prix et contribue à révéler le groupe des « Seiz-Breur » qui ambitionnait de renouveler l’art breton en alliant tradition et modernité. Leur lutte contre la « biniouserie » trouve un écho favorable auprès de Victor Lucas. En revanche, prônant l’universalité de l’art, il est critique sur leur concept d’art spécifiquement breton et ne les suit pas dans leur revendication nationaliste. Ingénieur artiste, il tient un rôle d’interlocuteur privilégié auprès des artistes, à l’image d’André Metthey qui accueillit à la demande d’Ambroise Vollard, les Fauves et les Nabis dans son atelier à Asnières en 1906 et 1907.

Fin mars 1941, il quitte Henriot pour HB et, malgré la conjoncture difficile de la guerre, assume pleinement sa fonction de directeur technique. De nouveaux fours sont construits et il consacre une partie de son temps à la formation artistique et culturelle des apprentis peintres dans le cadre de la formation professionnelle.
En mai 1944, la fin des hostilités ouvre enfin des perspectives d’avenir, Victor Lucas donne alors sa démission, avec l’idée de concrétiser son grand projet, aboutissement de sa carrière d’ingénieur : créer sa propre manufacture.

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