Brest, le 1er décembre 1919 — Cancale, le 28 juillet 2007
Paul Yvin arrive à Keraluc le 22 juillet 1947, six mois après sa création, il y reste jusqu’à la fin de l’entreprise en 1984. Embauché dans un premier temps comme peintre à l’atelier de décoration, il change très vite de statut pour devenir artiste indépendant. Toutes ses céramiques portent la double signature Keraluc et Yvain (pseudonyme choisi pour son œuvre céramique). En 1985 il s’installe à Cancale, le pays d’origine de sa femme, et se consacre à l’écriture jusqu’à son décès en 2007.
Fils de médecin, il est né à Brest en 1919. Après ses études secondaires et son service militaire dans la marine, il monte à Paris pour placer ses dessins humoristiques. Sachant manier le crayon avec talent et impertinence, le dessinateur autodidacte collabore à de nombreuses publications : Le Rire, Noir & Blanc, Radio 50, l’Équipe, etc. ainsi qu’à Ouest-France. Ses dessins sont signés de son premier pseudonyme « Brévin » qu’il conserve aussi pour ses décors humoristiques sur céramique. Paul Yvin est aussi musicien. De la fin des années 1940 au début des années 1950, il a animé de nombreux bals dans la région de Quimper en jouant de la guitare électrique et en chantant en Anglais et en Espagnol. Précurseur dans la région pour cet instrument électromécanique, il se déplaçait en Vespa avec sa guitare et son ampli.
L’œuvre de Paul Yvain est particulièrement dense et variée. Les premières pièces sont marquées de l’empreinte du dessinateur de presse et son inclination à illustrer de nombreux thèmes tirés des légendes celtiques et médiévales en les traitant avec ironie et impertinence. Son graphisme, d’abord net et précis, s’enrichit en s’adaptant avec souplesse aux spécificités de la faïence puis du grès. Les grandes compositions figuratives à thèmes des premières pièces puis les séries de portraits et de natures mortes laissent graduellement la place à l’ornementation avec un graphisme stylisé inspiré de la faune et de la flore. Une certaine profusion tendant à la saturation de l’espace régit la composition de ses décors mais toujours l’élégance et l’habileté d’exécution de ses motifs exaltent les qualités formelles des pièces. Toutes les techniques céramiques sont exploitées : oxydes colorants sous et sur émail, juxtaposition et superposition d’émaux de nature et de texture différentes, sgraffite.
À la fin des années 1950, la manufacture Keraluc abandonne la faïence pour le grès émaillé, ce changement important lui donne l’occasion d’expérimenter de nouvelles techniques appropriées à ce support plus minéral. Paul Yvain développe alors un nouveau répertoire décoratif lui permettant une multiplication de motifs interprétés avec vigueur et délicatesse sur les différentes couvertes proposées par l’atelier. Ses décors de grandes difficultés techniques exigent, simultanément, virtuosité du tracé et promptitude dans l’exécution. Il en découle vigueur et délicatesse.
Son caractère entier en fait un artiste sans concession, à l’image de son œuvre toujours renouvelée au gré de sa sensibilité. Sa présence fidèle, active et créative pendant trente-sept années au sein de l’entreprise est jalonnée d’expérimentations variées sur les différents supports proposés : la palette chatoyante de la faïence, puis la rudesse minérale du grès rehaussé d’oxydes colorants et enfin l’appropriation des couvertes soyeuses développées en atmosphère réductrice dans les dernières années. Ainsi apparaissent les décors bleus à l’oxyde de cobalt sur émail Goémon (brillant) et Coquillage (satiné), mis au point par Antoine Lucas.